La question des calculs de provisions économiques pour des contrats d’épargne a été souvent abordée dans ce blog et ce billet propose une synthèse des points discutés dans ce cadre.
Les difficultés de mise en œuvre du cadre de calcul de la « valeur économique » des engagements sont identifiées et discutées depuis plusieurs années. Au-delà de la difficulté de fond, qui est qu’il s’agit de calculer le prix d’un « actif dérivé » (le contrat d’assurance) en l’absence de marché fournissant des prix observés, un certain nombre de sujets techniques suscitent une attention particulière.
En premier lieu, le calibrage du générateur de scénarios économiques utilisé en amont du modèle de projection s’avère très important : l’utilisation d’une approche « naïve » fondée uniquement sur les derniers prix observés conduit à une volatilité du best estimate et des principales grandeurs qui s’en déduisent (notamment les fonds propres économiques) délicat à justifier et ne reflétant pas correctement l’évolution des risques portés par l’entité ; ce sujet est discuté dans ce billet et dans cet article, qui suggèrent qu’une solution raisonnable et justifiable consiste à s’appuyer sur un historique de prix et non pas uniquement sur un prix à date.
Le générateur de scénarios évoqué ci-dessus repose sur une description de l’évolution des facteurs de risque en « probabilité risque neutre » (ce qui est directement associé avec le calibrage en référence à des prix), ce qui nécessite également quelques adaptations par rapport à une approche « finance de marché » pour fournir des résultats pertinents.
Parmi ces adaptations, une réflexion sur la composante réplicable des flux, qui a vocation à être évaluée en probabilité risque neutre et la partie non réplicable, qui reste dans le schéma classique du calcul d’une espérance en probabilité historique ; en pratique, la distinction entre ces deux composantes conduit à analyser l’impact sur le calcul de la provision des règles comptables et des actions des dirigeants en termes de détermination de la revalorisation. Un exemple d’une telle analyse est indiqué dans ce billet et prolongé dans cet article.
Enfin, on peut noter que le fait d’utiliser des scénarios « risque neutre » dans le modèle de projection impose de vérifier que les fonctions de réaction intégrées à ce modèle (typiquement une fonction de détermination d’un taux cible en fonction des conditions de marché) restent pertinentes avec ces scénarios, qui peuvent présenter des caractéristiques atypiques par rapport aux scénarios « standards » ayant de fortes probabilités d’apparition sous la probabilité historique (en d’autres termes, des scénarios ayant une probabilité très faible d’apparaître en probabilité historique et donc pour lesquels la pertinence des fonctions de réaction n’est pas vérifiée a priori, peuvent avoir des probabilités « risque neutre » d’occurrence élevées).
L’ensemble de ces sujets est repris dans les chapitres 4 et 5 du récent ouvrage collectif Modelling in life insurance – a management perspective (Springer).
Les modèles de valorisation économiques doivent donc poursuivre leur émancipation du cadre de la finance de marché qui leur a donné naissance pour s’adapter aux spécificités du bilan d’un assureur (vie) afin de traduire de la manière la plus pertinente possible l’idée de « valeur économique » sous-jacente au dispositif Solvabilité 2.
Références
Bonnin F., Juillard M., Planchet F. [2014] « Best Estimate Calculations of Savings Contracts by Closed Formulas – Application to the ORSA », European Actuarial Journal, Vol. 4, Issue 1, Page 181-196. http://dx.doi.org/10.1007/s13385-014-0086-z.
Combes F., Planchet F. Tammar M. [2016] « Pilotage de la participation aux bénéfices et calcul de l’option de revalorisation », Les cahiers de recherche de l’ISFA, n°2016.01.
Félix J.P., Planchet F. [2015] « Calcul des engagements en assurance-vie : quel calibrage ‘cohérent avec des valeurs de marché’ ? », L’Actuariel, n°16 du 01/03/2015.
Laïdi Y., Planchet F. [2015] « Calibrating LMN Model to Compute Best Estimates in Life Insurance », Bulletin Français d’Actuariat, vol. 15, n°29.
Laurent J.P., Norberg R., Planchet F. (editors) [2016] Modelling in life insurance – a management perspective, EAA Series, Springer.
Planchet F. [2015] « Valorisation des assurances-vie : comment mesurer la volatilité ? », Risques, n°104.
Planchet F., Bonnin F. [2013] « Engagement best estimate d’un contrat d’épargne en Euro », la Tribune de l’Assurance (rubrique « le mot de l’actuaire »), n°185 du 01/11/2013.
Planchet F., Leroy G. [2013] « Risque de taux, spread et garanties de long terme », la Tribune de l’Assurance (rubrique « le mot de l’actuaire »), n°178 du 01/03/2013.
Source: Primact